Cette communication vise à montrer le phénomène de dépendance réciproque entre certains « savoirs » en sciences humaines d'une part, et la culture non savante d'autre part.
On prendra, pour étude de cas, les théories et prescriptions psychanalytiques relatives aux pratiques légitimes d'endormissement du nourrisson et du jeune enfant, en s'interrogeant sur les points suivants :
1/ Qu'est-ce que les théories psychanalytiques nous enseignent sur les modalités d'endormissement des jeunes enfants ? Ces derniers doivent-ils dormir dans la chambre des parents (situation de cosleeping), ou dans une chambre séparée ?
2/ Dans quelle mesure ces théories, hautement conjecturales mais desquelles découlent des prescriptions pratiques, sont-elles elles-mêmes tributaires de processus culturels, tels que l'évolution des relations intrafamiliales au cours des cinq derniers siècles dans les pays occidentaux ?
3/ Dans quelle mesure ces mêmes théories et prescriptions psychanalytiques, certes conjecturales, mais disposant d'un crédit « scientifique » à l'extérieur du monde scientifique, se répercutent-elles dans la culture non savante et les pratiques occidentales contemporaines, à travers, notamment, la médiation « d'experts » en matière de parenting et la publication ouvrages spécialisés sur la petite enfance ?
L'examen de ces trois points nous permettra d'envisager le phénomène par lequel un corps organisé de conjectures (les théories et prescriptions psychanalytiques relatives au coucher du jeune enfant), dénuées d'ancrage empirique mais disposant d'une légitimité épistémique dans le monde non savant, peut en même temps être le produit et un élément reproducteur d'une « culture de l'autonomie » et d'un système de normes sociales caractéristiques des pays occidentaux industrialisés.