Le rôle du développement dans la transmission culturelle
1 : Département de philosophie, Université de Montréal
La théorie de la double hérédité (DIT) est fondée sur une analogie forte entre le système d'hérédité génétique et les processus d'apprentissage social assurant l'existence d'un système d'hérédité proprement culturel (Boyd & Richerson, 1985). Cette analogie justifierait l'emprunt des stratégies de modélisation formelle issues de la génétique des populations. L'utilisation de tels modèles a été critiquée par Wimsatt (1999) notamment parce qu'elle fait abstraction du rôle du développement des organismes humains dans la structuration des réseaux de transmission culturelle. Une théorie de l'évolution culturelle adéquate devrait alors emprunter une perspective développementale de l'évolution culturelle en mettant l'emphase sur le rôle du développement des organismes humains au sein de leur culture. Mesoudi (2011) confirme que l'intégration d'une composante développementale est nécessaire pour une théorie de l'évolution culturelle mais celui-ci conçoit le développement culturel comme l'ensemble des processus de production des traits culturels d'un organisme. Je défendrai ici la thèse selon laquelle la différence entre ces deux conceptions du rôle du développement au sein de la DIT réside en fait dans une divergence d'interprétation de l'analogie du système d'hérédité culturelle, plus particulièrement des implications théoriques de la relation de production de traits (biologiques ou culturels) par les entités informationnelles transmises (gènes ou représentations mentales). Je montrerai qu'en spécifiant la structure de cette analogie, il devient dès lors possible de clarifier les relations théoriques entre ces deux interprétations du développement culturel et d'ainsi ouvrir la porte à une conception plus riche et englobante du développement culturel.