La thèse de Church-Turing stipule que toute fonction calculable est calculable par une machine de Turing. En distinguant, à la suite de nombreux auteurs, une forme algorithmique de la thèse de Church-Turing, portant sur les fonctions calculables par un algorithme, d'une forme empirique de cette même thèse, portant sur les fonctions calculables par une machine, il devient possible de poser une nouvelle question : les limites empiriques du calcul sont-elles identiques aux limites des algorithmes ? Ou existe-t-il un moyen empirique d'effectuer un calcul qu'aucun algorithme ne permet d'effectuer ? Je montrerai ici la pertinence philosophique de cette question. Elle interroge la capacité de processus symboliques comme les calculs à simuler les processus empiriques qui implémentent un calcul. Elle permet également d'étudier le statut épistémologique des calculs réalisés par des machines. S'il existait une fonction calculable par une machine sans être calculable par un algorithme, il existerait une proposition mathématique, exprimant le résultat d'un calcul, dont la vérité serait justifiée par des considérations purement empiriques. La coïncidence de la calculabilité par des machines avec la calculabilité par des algorithmes fonde ainsi le caractère a priori de la connaissance obtenue par le calcul.