Pour une ontologie des déchets nucléaires
1 : Centre d'Etude des Techniques des Connaissances et des Pratiques (CETCOPRA)
EA 2483, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne
Pour une ontologie des déchets nucléaires L'histoire de l'énergie nucléaire sera abordée ici du point de vue de ses déchets. Si l'énergie nucléaire peut être considérée comme l'appropriation par les hommes d'une puissance qui existe dans la nature, les déchets sont des artefacts au statut ontologique incertain. Leur « hybridité » ne répond pas à la définition usuellement donnée de l' objet techno-scientifique puisqu'ils sont vidés de toute de fonction Le confinement radical est la seule réponse possible à leur « intraitabilité ». Avec ces déchets « ultimes » émerge un type d'objet radicalement nouveau et inapte à rentrer dans les catégories, en particulier celles d'Hannah Arendt quand elle distingue l'œuvre de l'objet techno scientifique contemporain. Pour avancer dans ce questionnement du statut ontologique des déchets nucléaires, ceux-ci seront abordés du point de vue de leur impossibilité d'être des objets-mémoire. Produits de l'activité humaine dans sa relation avec la nature, leur extrême dangerosité les empêche d'être remaniés par la mémoire. Le problème sera étudié à travers le cas français. Alors que l'irréversibilité fait consensus au sein de la communauté scientifique et militait pour l'enfouissement en profondeur et définitif des déchets, l'entrée en scène de l'opinion, du politique et de la société civile a débouché sur un compromis : un moratoire de cent ans au cours duquel l'enfouissement irréversible doit rester « réversible ». Nous montrerons comment ce compromis traduit moins une confiance dans la capacité de la science à trouver des solutions que l'incertitude et le doute quant à l'avenir qui imprègnent les représentations collectives.