Experts ou vendeurs? Conflits d'intérêts dans un contexte épistémique
1 : Département de philosophie, Université de Montréal
Si la philosophie de l'expertise doit être sensible aux contraintes pratiques liées au rôle d'expert, les conflits d'intérêts représentent un problème digne de considération. Ils peuvent miner, avec raison, la crédibilité associée aux experts. En revanche, il semble que les intérêts extra-scientifiques soient omniprésents dans la pratique de la production et de l'application de connaissances, et ils ne briment pas nécessairement les intérêts scientifiques. Dans ce cas, quels sont les moyens disponibles aux non-experts pour justifier si les experts en conflits d'intérêts apparents sont moins dignes de confiance? Cinq hypothèses méritent d'être analysées: une déductiviste-universelle (il ne faut jamais faire confiance à ceux qui sont en conflit d'intérêts), une déductiviste-proportionnelle (il faut réduire la confiance proportionnellement au poids des intérêts extra-scientifiques), une inductiviste (étant donné que certaines études prouvent que les conflits d'intérêts financiers réduisent la valeur de la science, il ne faut pas faire confiance à ceux-ci), une sceptique (il ne faut pas juger en fonction des conflits d'intérêts puisque ceux-ci ne sont pas représentatifs de la valeur scientifique) et une axiologique (il faut analyser les valeurs mobilisées par les conflits d'intérêts). L'analyse de ces hypothèses normatives permettent, à leur tour, de mieux appréhender le concept d'expertise, en le confrontant à la réalité des experts.